Suite à un travail acharné et la promesse de travailler aussi fort à mon retour de vacances (et aussi l’argument en béton que je suis une voyageuse en manque de voyage, ce qui altère ma productivité ! ;) ), mon directeur de recherche a bien voulu m’accorder 3 semaines de vacances que j’ai pris cette année au mois de juin. Pourquoi ce mois-là ? Pour plusieurs raisons : tout d’abord, comme je comptais rejoindre un ami en Norvège, j’ai pris l’option du mois de juin pour éviter les attaques en règle et en escadron des moustiques. Ensuite, parce que ça correspondait aux dates où il pouvait y être, et enfin parce que ça me permettait de poser le pied sur 2 caps importants en moins de 6 mois…
2 caps en moins de 6 mois !
Souvenez-vous, je posais le pied (et les roues du vélo que j’avais à ce moment-là) au Cap de Bonne Espérance le 19 décembre dernier… Quand j’ai su que mon ami Damien faisait ce voyage, mais surtout qu’il comptait aller au Cap Nord, j’y ai vu un signe du destin pour que je puisse faire ce grand écart géographique en moins de 6 mois ! Je n’ai donc pas hésité à prendre mon billet pour cette contrée lointaine et pas vraiment chaude en été, moi qui n’ai déjà que quelques mois de chaleur à Rimouski… Mais que diable suis-je allée me fourrer dans ces latitudes arctiques en période estivale ? C’est un peu ce que je me suis dit quand l’avion de la compagnie Norwegian Airlines a atterri à Alta (tout au nord de la Norvège, environ 40 000 habitants) et que j’ai aperçu le temps couvert et la neige sur les hauteurs des montagnes entourant l’immense fjord au fond duquel est nichée la ville…
J'y suis ! (avec le livre "Sortie de Zone" de Daniel Blouin, que je vous conseille fortement de lire) photo : Damien
Rendez-vous au Cap Nord !
Mon ami Damien, qui effectue un voyage total de presque 3 mois en partance depuis la France avec son camping-car, m’avait proposé de me prendre à Alta, à la sortie de l’aéroport… A ce moment-là, je ne savais pas si j’aurais mes vacances car je venais tout juste d’arriver pour mes cours en océanographie et de rencontrer mon directeur de recherche (l’idée m’est venue fin janvier-début février). Je pouvais alors difficilement, et de manière décente, déjà parler de vacances !!! J’ai donc travaillé dur sur mon projet de recherche, montré que j’étais là pour bosser, avancé des « garanties » au moment où j’ai fait ma demande. Fort heureusement, elle a été acceptée. Et pour cela j’en remercie chaleureusement mon directeur de recherche. C’est vrai que m’ayant « embauchée » alors que j’étais au milieu de ma traversée océanique dans l’Océan Indien l’année dernière, il devait se douter (ou si ce n’était pas le cas, maintenant il en est sûr !) qu’il faudrait que je voyage au cours des 2 ans de ma maîtrise…
Bref, une fois que j’ai eu ma confirmation en « poche », j’ai concocté un petit ppt à mon pote avec la musique de Mission Impossible pour lui donner rendez-vous au Cap Nord le 11 juin à 21h… Le tout lancé dans un petit mail, mine de rien… Je crois que ça l’a pas mal « scié »… Mais je trouvais que ça avait tout de même plus de panache que de me faire récupérer à l’aéroport !!!!
Dans les faits, Damien est arrivé avec 30 minutes de retard car la route, sinueuse, pas terrible et le vent de furie ont rendu la route plus longue que ce qu’il pensait. Il m’a dit qu’il a écrasé le champignon autant que possible et a dû passer pour un fou auprès d’un certain nombre de personnes. Moi, après 15 minutes à l’attendre au pied du globe, j’étais rentrée me réchauffer à l’intérieur parce que j’étais frigorifiée… Mais quand j’ai vu débarquer un gars « au taquet » avec sa GoPro au bout d’un stick, même si je ne pouvais pas voir son visage, j’étais sûre que c’était lui. Et c’était le cas ! Bon, vu l’énervement et la situation du moment, le champagne prévu a été bu le lendemain soir, au bord d’un petit lac (bien bon ce champagne d’ailleurs). Une fois écoulé le premier flot de paroles des choses que l’on avait à se raconter, on s’est couché à 2h du matin, le camion me rappelant ma navigation dans l’Océan Indien tellement il bougeait sous les assauts du vent ! Une berceuse naturelle, mais un peu forte parfois…
Voyage, voyage…
Pour corser un peu mon voyage, je me suis ajoutée 2 défis en plus :
- Rimouski-Montréal et Montréal-Rimouski en stop (550 km pour chaque trajet)
- Alta-Cap Nord en stop (236 km)
Parce que le covoiturage, autant en tant que conductrice que passagère, je connais, donc ce n’est pas drôle… J’avais déjà fait un peu de stop courte distance à la Réunion et ça avait bien marché, je n’avais rencontré que des gens sympathiques. C’était donc un défi pour moi de faire une si longue distance. Mais j’ai mis plusieurs atouts de mon côté :
- Il n’y a qu’une seule route en ligne droite pour aller de Rimouski à Montréal, avec la ville de Québec au milieu : le trafic dans la bonne direction est donc plus « concentré »
- En été, il y a beaucoup de camping-car qui parcourent le nord de la Norvège pour se rendre au Cap Nord : ça optimise les chances de ne pas s’enraciner à un endroit
Et puis, aspect non négligeable qu’il faut rappeler : je suis une fille ! Cela rassure davantage les conducteurs*. Et comme j’ai une apparence tout à fait convenable, avec seulement un sac à dos**, ceux qui me croisent se disent que je suis en voyage.
*cela rassure les conducteurs : et pour te rassurer, cher lecteur, j’ai pour politique de ne pas monter dans la voiture si je ne « sens » pas le conducteur. La personne s’est arrêtée mais je n’ai aucune obligation de monter si elle ne m’inspire pas confiance !
**avec seulement un sac à dos : j’ai décidé pour ce voyage de ne partir qu’avec peu d’affaires, réunies dans un sac à dos. Je transporte à la main un petit sac où est logé tout mon matériel électronique (tablette, appareil photo…), ce qui m’évite d’avoir à tout déballer à chaque contrôle de sécurité aux aéroports. Mon sac à dos en lui-même pèse à peine 8kg, ce qui fait qu’il passe comme bagage cabine, ce qui m’évite :
- les longues files d’attente devant le carrousel à bagages
- le stress de devoir se dépêcher entre 2 vols pour récupérer et ré-enregistrer mon bagage
- s’apercevoir de manière très désagréable que la compagnie a perdu mon bagage
- payer un supplément à Norwegian Airlines (vol intérieur en Norvège) pour un bagage en soute.
Tout le long de mon voyage, je me suis félicitée d’avoir pris une telle décision, car cela m’a rendue plus mobile et m’a grandement facilité la vie. Je pouvais même loger mon petit sac d’électronique dans mon sac à dos si besoin. Impeccable.
Rimouski – Montréal : je me suis postée au feu rouge à l’entrée de l’autoroute 20, juste avant le panneau « Interdit aux piétons », avec une petite place pour que la voiture puisse se garer. J’ai été prise au bout de… 3 minutes ! Par Romain, un retraité qui revenait de son camp en forêt. J’étais la première auto-stoppeuse qu’il prenait après une mauvaise expérience qu’il a eu. Il m’a déposé un peu après Québec, à l’une des entrées de l’autoroute. J’ai beaucoup aimé discuter « chasse » et « camp en forêt » avec lui. Je pense que je l’ai un peu réconcilié avec les auto-stoppeur, ou au moins les auto-stoppeuses… Merci Romain !
Postée sur la bretelle d’entrée un peu après Québec, je dansais par un grand soleil au bord de la route avec ma pancarte « MTL » (pour « Montréal ») et je faisais une salutation du grand monde (je m’imaginais duchesse au bal de Louis XIV) à tous ceux qui me croisaient sans s’arrêter, histoire de les faire sourire. En moins d’un quart d’heure, une voiture avec un canot sur le toit s’arrête, et un sympathique couple (Violaine et Alexandre) me propose de monter. Ils m’ont emmené jusqu’à Montréal, à une station de Métro. Et devinez de quoi nous avons parlé… canot bien-sûr ! Merci pour votre bonne humeur et votre sympathique compagnie, ainsi que les conseils de belles rivières à descendre dans la région.
Et même qu’à la sortie de leur voiture, ils sont tombés sur… Etienne, avec qui ils ont passé la semaine à faire du canot en Gaspésie. J’ai sympathisé avec lui et nous sommes allés boire un rafraîchissement ensemble pour discuter avant que chacun ne reprenne sa route. Très sympathique rencontre. D’ailleurs, j’adore ce type de rencontres : complètement inattendues et impromptues. C’est magique !
Alta – Cap Nord : c’est vers 11h du matin le jeudi 11 juin que je me mets en quête du véhicule qui m’emmènera vers le Cap Nord (mon hôte m’avait prévenu que peu de véhicules circulent avant 10h). Je me poste près d’un endroit où les véhicules peuvent se garer facilement, sur la route principale de la commune, affichant mon sourire le plus engageant, le pouce fièrement tendu. Au bout de 10 minutes environ, Knut (oui, comme l’ourson né il y a quelques années en Allemagne, dans un zoo. Mon conducteur n’était pas aussi craquant, mais certainement aussi gentil), un père de famille avec son très jeune fils s’arrête. Il parle anglais et c’est la première fois qu’il prend une auto-stoppeuse. Il me conduira 20 km plus loin, car après il faut qu’il bifurque pour aller chez sa grand-mère qui vit dans un petit village afin de passer un peu de temps avec elle et lui amener son fils. Il ne voudra pas me laisser repartir sans me donner de la nourriture. J’accepterais une banane. Merci encore à lui.
Banane et bouteille d’eau en main, me voilà à jouer l’équilibriste sur une barrière en béton en attendant qu’une voiture veuille bien s’arrêter. Parce qu’elles sont plus rares à passer ici… sauf qu’elles vont toutes dans la bonne direction ! Il fait beau et assez doux : le ciel est avec moi (j’essaie de ne pas m’imaginer dans la même situation, dans la froidure glacée de l’hiver). D’ailleurs, après moins d’un quart d’heure d’attente, un camping-car s’arrête. Et ils vont jusqu’au Cap Nord ! Génial… C’est un couple d’Allemands (peut-être Knut m’a-t-il porté chance ?), Werner et Gertrud, dans leur camping-car de location, qui me conduiront jusqu’à ma destination. La communication est difficile, car ils parlent très peu anglais et moi pas du tout allemand (ce qui provoquera quelques rires ou haussements d’épaules d’impuissance de part et d’autres). Mais je comprendrais tout de même leur trajet à travers la Norvège, qu’ils me montreront sur une carte. Et ça ne les empêchera pas d’être extrêmement hospitaliers, car ils me feront partager leur repas du midi : verre de jus de pomme et un délicieux chili con carne avec du pain, franchement délicieux (avouerais-je « meilleur que le mien ? ») duquel je serais incitée à me resservir ! Je suis confuse devant tant de générosité. Ce qui m’amène à revoir ma position quant au fait de ne rien devoir à personne. On a besoin des autres, et se sentir redevable n’est pas une mauvaise chose. Elle nous permet de nous aussi aider une personne qui en a besoin, au lieu de rester dans son « quant-à-soi ». Merci pour tout à tous les 2. Merci pour cette leçon de vie.
Quelques paysages aperçus en chemin lorsque j'étais conduite par Werner et Gertrud
Rencontre chaleureuse à l’aéroport d’Oslo : alors que je cherche (désespérément ?) un endroit pour dormir dans ce vaste aéroport où rien n’a été prévu pour rendre confortable une attente de plusieurs heures entre 2 avions (celui en provenance d’Alta m’a déposé à 22h et l’autre pour Francfort part à 6h du matin), je tombe sur 2 jeunes filles qui ont trouvé un dessous d’escalator parfait : un peu retiré du passage, donc tranquille, sans risque de vraiment se faire déloger ni d’être dérangées. Quand je leur demande si je peux m’asseoir avec elles, c’est avec empressement qu’elles acceptent.
Je fais ainsi la connaissance de 2 fantastiques jeunes filles, l’une Canadienne : Kathlynn et l’autre allemande : Lissa. Elles viennent de passer 1 mois en stop (wow !) ensemble et rentrent dans leurs demeurent respectives. Nous discutons ainsi pendant plus de 2h de leur voyage, du mien, de la vie et des relations entre les gens en général. Discussion passionnante et enrichissante. Avec des filles vraiment fantastiques, qui m’impressionnent par la qualité de leurs réflexions qui dénote une très fine observation de leurs semblables.
Au moment de se coucher, quand elles apprennent que je n’ai rien sur quoi m’allonger, Lissa me propose son sac de couchage pour me servir de tapis de sol. Ce qui a grandement amélioré mon confort pour cette courte (j’ai dû dormir environ 3h30) nuit.
Merci encore à toutes les deux. Je n’aurais pu trouver meilleure compagnie pour passer cette nuit dans l’aéroport.
Montréal – Rimouski : dimanche 28 juin au matin. Je me lève et regarde le temps dehors : pluie. Flûte, ça promet d’être moins joyeux le stop aujourd’hui. Même si hier soir j’ai repéré sur Google Map un endroit qui semble prometteur, ça tente toujours moins sous la pluie. Tant pis, on fera avec ! Au petit déjeuner, je m’en ouvre à mon voisin Jesse, un Australien qui vit à Vancouver avec qui je suis allée au festival de jazz hier soir. Et c’est là qu’il me dit cette phrase magique :
Est-ce que tu vas vers Québec ? Parce que moi j’y vais avec mon van tout à l’heure. Si tu veux je peux t’emmener !
Ça y est, le Messie vient de me parler ! (et en plus il est barbu et brun, donc ça colle plutôt pas mal avec l’idée que je me fais de Jésus. Par contre, est-ce que Jésus était aussi beau que lui ? Là est toute la question) C’est pour le moins miraculeux et j’en tombe des nues. En plus, il part dans les heures où j’avais prévu de partir… Quand je vous dis que c’est miraculeux !
On passe donc un très agréable voyage vers Québec, à discuter. J’ai vraiment beaucoup aimé sa compagnie. Il me dépose un peu après Québec (les voitures que je trouverais alors vont forcément aller plus loin), dans une station-service. Je lui ai demandé cet endroit précis car vu qu’il pleut, je me suis dit que c’était une bonne option pour être au sec et trouver un conducteur plus rapidement, ayant la possibilité de discuter avec les gens. D’ailleurs, sur la route, j’ai vu plusieurs auto-stoppeurs sous la pluie, sur les bretelles d’accès. Ça ne m’a pas donné très envie de faire pareil…
Un petit selfie pour immortaliser la rencontre et me voilà qui me dirige vers les personnes faisant leur plein, pas très en confiance car cet exercice est nouveau pour moi. J’aborde une première personne, qui refuse. Je demande à une mère de famille. Elle décline elle aussi. Je la remercie, et alors que j’allais me diriger vers une autre voiture, je vois son fils, pas bien haut, très fier de tenir le pistolet d’essence dans le réservoir de la voiture, en train de faire le plein. Je le félicite. Et là, voilà qu’elle se ravise et qu’elle me propose une place dans sa voiture… Inespéré ! Et en plus elle va jusqu’à Rimouski. Wow ! Moins d’1 minute pour trouver un conducteur, c’est mon record !
Je passerais 3h vraiment sympathiques et enrichissantes en sa compagnie à discuter, sans oublier François et Anne-Frédérique, ses enfants. Merci infiniment à toi Kathleen pour ta compagnie, ta gentillesse… et pour m’avoir déposée juste devant ma porte !
Il est 18h, dimanche 28 juin. Je suis chez moi, rentrée… Génial.
Mes samaritains du jour : Jesse (alias, le Messie ;) ), François et Kathleen (Anne-Frédérique étant trop timide pour la photo)
Couchsurfing chez Jørn
A mon arrivée à Alta (70° de latitude nord) dans l’avion (où on a d’ailleurs un peu l’impression d’atterrir sur l’eau, tellement la piste est sur un bord), je me suis un peu demandée « Mais qu’est-ce que je suis venue faire ici ???? » quand j’ai aperçu les sommets enneigés des montages du fjord autour d’Alta, le temps sombre et brumeux… D’autant que malgré les messages que j’avais envoyé (via le site de couchsurfing ou les SMS), Jørn ne m’avait pas répondu. Arriver en terre inconnue, par mauvais temps, sans être sûr de là où on va dormir : pas des plus sécurisant !
A la sortie de l’aéroport, je l’appelle. Ouf, il répond ! Je ne comprends pas tout ce qu’il dit, sans doute parce que je suis assez stressée, mais je comprends qu’il arrive dans 10 minutes. Tant mieux, ça m’enlève un poids.
Nous passons une bonne partie de la soirée à discuter. Son parcours est impressionnant car il est passé par plusieurs métiers très différents les uns des autres.
Ce qui l’a motivé à chaque fois ? La passion/l’intérêt très grand qu’il avait pour le domaine en question.
Ce qui lui a permis d’être très bon à chaque fois ? Sa capacité à :
- rester concentré sur son objectif,
- à mettre toute son intelligence et ses ressources personnelles vers un seul but (il fallait donc être passionné),
- à apprendre de ses erreurs, s’améliorer, se perfectionner.
C’est ce qui lui a permis d’être champion mondial de motoneige aux USA au milieu des années 1990, fait de lui un journaliste, un photographe, travaillant aujourd’hui dans la construction alors qu’il a commencé en mécanique. Tout un parcours ! Je le remercie pour cette leçon de ténacité qu’il m’a donnée.
Mais au fur à mesure que nous discutons et échangeons sur nos expériences relatives, notre manière de voir la vie, une question monte en moi, sans que j’ose la poser de peur de paraître impolie :
Mais quelle heure est-il, enfin ?
Car nous discutons, discutons, mais je ne vois pas la lumière du jour baisser… Je n’ai aucun repère visuel pour apprécier le temps qui passe. Ce n’est pas que je sois particulièrement fatiguée, ou que j’ai très faim, c’est juste que c’est extrêmement déstabilisant pour moi de ne pas voir la luminosité baisser en fin de journée comme j’en ai l’habitude.
Nous dînons, puis il me propose de m’emmener faire un tour en voiture dans les environs pour me montrer les beautés du coin. Il est 22h30 quand nous partons, et il fait toujours diablement clair….
Alors qu’il me conduit dans la campagne, il me montre un certain nombre de maisons qui appartiennent à sa famille. D’ailleurs, en me montrant une montagne, il m’explique que c’est une ancienne mine de cuivre qui a été exploitée par ses ancêtres à leur arrivée ici, ce qui leur a permis d’acheter une partie de la vallée. Il me montre aussi la rivière Alta, réputée au niveau mondial pour la qualité, la taille et le poids des saumons qu’on y pêche. Il m’emmène jusqu’au bord du fjord pour une vue magnifique… et me donne des conseils d’endroits à voir dans les environs. Bref, il remplit parfaitement le rôle d’hôte attentionné… Encore merci pour tout.
Il est 23h30 quand chacun s’en va dormir de son côté. Lui dans sa chambre bien noire, moi sur le confortable canapé du salon, mais avec mon loup pour me protéger les yeux. Je me lèverai d’ailleurs en pleine « nuit » (comment peut-on encore utiliser ce terme ici ???) pour aller aux toilettes, et j’aurais la fâcheuse impression d’être décalée et de dormir en plein jour…
A 6h50 du matin, je me réveille alors que Jørn part travailler. Je lui dis « au revoir », le remercie et me recouche, car – c’est très sympa de sa part – il me laisse partir de chez lui quand je veux, même s’il n’est pas là. Je partirai vers 11h et n’aurais que 5 minutes de marche pour me poster à un endroit stratégique pour faire du stop, qu’il m’a indiqué la veille. Impeccable.
Attente au Cap Nord avec Ludger
Arrivée au Cap Nord à 17h grâce à mon sympathique couple de retraités allemands, j’ai 4h à meubler avant de voir débarquer Damien. Alors que je me dirige vers la boutique/restaurant qui est là, je fais la connaissance de Ludger qui est dans l’entrée avec son vélo. Pour monter ici par un tel vent, il faut avoir de la constance et de la détermination* !
*Constance et détermination : J’admire tous ces cyclistes que l’on a croisés le long des routes que nous avons parcourues. Ce n’était pas toujours dans des montées et des conditions météorologiques épouvantables, mais un bon nombre de fois c’était le cas ! Comment font-ils pour garder la motivation d’avancer quand le vent en furie demande 3 coups de pédale pour avancer à peine et que la pluie vous cingle le visage ? Avec toutes ces sacoches qui semblaient si lourdes. Nous en avons croisés quelques-uns sur des routes désertes et inhospitalières, par des temps de chien… Respect.
Il est à la recherche de quelqu’un qui pourrait prendre des photos de lui et de son vélo sous le globe du Cap Nord. Bien-sûr, comme vous vous en doutez, j’ai accepté avec empressement ! Nous nous sommes donc dirigés vers le globe par un vent à décorner toutes les bestioles à cornes réunies… Il est monté sur le piédestal avec son vélo, s’est fait aider parce que le vent le renversait… Pendant ce temps-là, je le mitraillais de photos. Mais le vent était tellement froid que j’avais les doigts gelés au bout de quelques minutes !
Nous sommes allés nous réchauffer derrière la verrière, dans un petit coin du restaurant où personne n’est venu nous embêter à nous demander de payer une consommation. J’ai ainsi passé très agréablement, en discutant, les 4h qui me séparaient de mon heure de rendez-vous sous le globe. J’y ai vu un certain nombre de fois le globe se couvrir et se découvrir, sous les assauts de la brume et des nuages qui se liguaient avec le vent pour créer un paysage sans cesse changeant. Ludger, lui, attendait que le vent se calme un peu pour pouvoir redescendre à vélo. Parce qu’à ce moment-là, même les grosses motos rebroussaient chemin car il y avait trop de vent. Alors imaginez un vélo !
Voyager avec un ami
Jusqu’à présent, mis à part mon voyage au Japon avec mon petit frère (génial, je dois l’avouer), j’ai toujours eu l’habitude, depuis que je me suis mis à voyager depuis 1 an et demie, de le faire seule. Parce qu’ainsi je n’ai pas à attendre de trouver quelqu’un qui veuille faire la même chose que moi. Je peux m’arrêter quand ça me chante à un endroit, et y passer autant de temps que je veux sans que j’aie quelqu’un qui regarde sa montre à côté de moi. J’ai aussi un contact plus direct avec la population, avec laquelle je peux rester à discuter aussi longtemps que ça me chante. Je suis également plus ouverte aux possibilités d’imprévus qui s’ouvrent à moi. Et comme je prends pas mal de photos, je n’ennuie personne quand je m’arrête de nombreuses fois pour capturer ces images que j’ai en tête. Cela me convient bien la plupart du temps, car je peux vivre l’expérience telle que je la souhaite, à fond.
Le côté un peu moins amusant est que je n’ai personne avec qui partager certains bons moments, ou certaines galères ! Aussi, voyager avec un ami, qui partage mon point de vue sur la solitude nécessaire à chacun, et a des goûts qui sont très similaires, est une possibilité à ne pas négliger. Voilà pourquoi j’ai choisi de voyager avec un ami cette fois-ci. J’ai beaucoup aimé certains moments de complicité que nous avons eu, des regards émerveillés échangés, la joie partagée d’avoir trouvé un emplacement magique où poser le camion, des délires et des galères communs, une rando en duo… et donc des souvenirs communs, que l’on pourra se rappeler l’un l’autre.
Cette option tiendra sûrement une place dans mes prochains voyages, même si je devrais choisir méticuleusement la personne qui m’accompagne. Sans oublier de conserver une partie du voyage en solitaire ! Ou l’art de combiner les deux…
Voyager avec un photographe
Une des raisons qui fait aussi que je voyage seule, c’est que j’adore prendre des photos. Souvent. Il faut donc s’arrêter. Souvent. Mais pas tout le temps non plus. Parce que de nombreuses fois, pour moi, c’est un appel du cœur, un « impératif » que de prendre telle ou telle photo que je viens de cadrer mentalement « en vol » avec mes yeux. Et je sais que pour les gens qui ne font pas de photos, ou juste quelques photos en passant, c’est difficile à comprendre et c’est très pénible, voire frustrant, d’avoir à non seulement s’arrêter régulièrement, mais en plus attendre que « l’artiste en herbe » ait fini de prendre ses clichés. Mais moi, si je ne prends pas ces clichés, je suis frustrée. J’ai donc fait un choix.
Aussi, voyager avec un autre photographe est un vrai plaisir. Parce que je n’ai pas besoin d’expliquer certaines envies qui me poussent à saisir l’appareil photo, ni mon besoin de m’arrêter « là, maintenant, tout de suite », y compris en voiture. Parce que l’autre ne s’impatiente pas quand je mets un peu de temps à prendre des photos, pour réussir enfin à capturer l’image que j’avais en tête (ou que je demande un peu de rab parce que je viens d’avoir une illumination soudaine). Parce que je peux être prise en photo sans forcément avoir à le demander, sans avoir les pieds ou le haut du crâne coupés (je crois que personne n’aime être amputé ou scalpé), l’horizon de traviole ou la photo cadrée comme un pied. Ou floue. Ou tout cela à la fois… Donc avoir de belles photos de moi, dont certaines prises sur le vif. Et pouvoir partager les photos que l’on a prises, nos plus belles réussites.
Bien-sûr, le must, c’est de voyager avec un ami photographe…
Photos prises par Damien
Le photographe photographié ;)
Le phare de Slettnes, un bout du monde
Sur la péninsule du Nordkinn*, tout au nord se trouve un phare dans un endroit nommé Slettness. C’est le phare le plus septentrional de toute l’Europe. Il fonctionne toujours et a été automatisé en 2008. Pourquoi parler de cet endroit ? Parce que sur la pancarte située devant le phare, nous avons lu une phrase qui nous a laissé sans voix :
Slettnes est un endroit où il n’y a, météorologiquement parlant, pas d’été**
* Péninsule du Nordkinn : péninsule un peu à l’est de l’endroit où se trouve le globe du Cap Nord. C’est sur cette péninsule que se trouve le vrai Cap Nord géographique, car le globe du Cap Nord se trouve en fait sur une île, reliée au continent par un tunnel sous-marin de 7 km. Il est difficile d’accéder au vrai Cap Nord car il n’y a pas de route y menant. Il faut donc prévoir une bonne randonnée, dans des conditions pas forcément faciles.
** Météorologiquement parlant, pas d’été : j’ai cherché, mais je n’ai pas trouvé de document qui donne une idée de ce que cela veut dire dans les faits. Par contre, les constatations sont là : quand on est sur place, on n’a pas l’impression d’être en été. Tout juste en automne. Qu’est-ce que ça doit être l’hiver !
Voilà qui nous a laissé sans voix sur le moment. Puis que nous avons répété de nombreuses fois les jours suivants. C’est vrai que le temps est venteux, frais, nuageux. Et nous sommes mi-juin. Les paysages pour arriver ici étaient vraiment désolés et battus par les vents. Il restait encore de grosses plaques de neige par endroits. Les petits lacs croisés avaient encore une bonne quantité de glace. Voire de la glace s’était reformée à la surface… Engageant. Le sol ne doit pas vraiment dégeler ici « l’été » (comment appeler ça sinon ?). C’est là qu’on comprend tout le sens de la définition du pergélisol*** (ou « permafrost » en anglais).
*** Pergélisol : sol situé dans les latitudes extrêmes (à partir de 60°) ou dans les hautes altitudes (au-delà de 3500m) c’est un sol qui reste en permanence gelé pour au moins 2 ans. Le dégel ne se fait, s’il ne se produit, qu’en surface, formant de vastes marécages et procurant des conditions idéales au développement de milliers de moustiques. La décomposition de la matière organique qui s’y trouve (provenant des mousses, lichens, bruyères) ne se faisant pas, celle-ci s’accumule. C’est les tanins provenant de cette matière organique qui colorent parfois de brun-rouge les rivières qui coulent au milieu ou à proximité de ce type de sol.
Les paysages de la péninsule du Nordkinn. Pas un arbre ne pousse ici !
Nous commençons à en avoir marre du vent, du froid, de la grisaille, du manque d’arbre et de verdure… Nous décidons donc de mettre cap au Sud !