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Un de nos objectifs principaux, avec mon pote, était d’en apprendre un peu plus sur la culture des éleveurs de rennes qui vivent dans la région. On entend souvent parler de Laponie et de Lapons, mais il vaut mieux ne pas utiliser ces termes qui sont en fait très péjoratifs (un peu comme le terme « esquimau » pour les Inuit, qui se traduit littéralement par « mangeurs de viande crue ») : en suédois, « lapp » veut dire « porteur de haillons ». Voilà pourquoi il vaut mieux parler du peuple Sami. Partons donc à la découverte de ce peuple premier.

 

Drapeau Sami

Drapeau norvégien et drapeau sami

Drapeau norvégien et drapeau sami

Il a été adopté en 1986 en Suède. Il est commun aux 4 pays.

Les 4 couleurs du drapeau représentent les symboles de survie des Samis :

  • vert : relatif aux plantes et à la nature
  • bleu : couleur de l’eau, élixir de vie
  • jaune : pour le soleil, qui permet la vie à long terme
  • rouge : pour le feu, symbole de la chaleur et de l’amour

La partie rouge de l’anneau représente le soleil et la partie bleue la lune. Cet anneau est le symbole de la spiritualité qui relie ces 4 éléments.

Source de ces informations sur le drapeau : http://www.terre-des-sames.com/le-peuple-same/les-sames-daujourdhui/

Tous les éléments suivants m’ont été fournis par les brochures du musée de Karasjok et de Varangerbotn. Ils sont complétés par les conversations que nous avons pu avoir avec les personnes travaillant dans les musées.

Les peuples Samis

Le peuple Sami est un peuple nomade qui vit au nord de la Scandinavie, à cheval sur la Russie, la Finlande, la Suède et la Norvège. Ils habitent un territoire appelé le « Sápmi ». Pour ceux qui vivent encore selon le principe nomade, il y a un camp d’été plus au nord, près du littoral (plutôt sous forme de tentes en forme de tipi appelées en Norvège «lavvu » ou « lavvo ») où les rennes vont paître avec une assez grande liberté, et un camp d’hiver à l’intérieur des terres où les bêtes sont regroupées en hiver (avec une maison en « dur », beaucoup plus moderne). Les Samis sont environ 80 000 de nos jours.

Carte issue du site : http://www.julienfumard.com/fr/the-north-way-les-samis/, très bien fait et très drôle qui raconte l'histoire des Samis en images

Carte issue du site : http://www.julienfumard.com/fr/the-north-way-les-samis/, très bien fait et très drôle qui raconte l'histoire des Samis en images

Ils sont divisés en 3 langues différentes et 9 dialectes, et celui le plus utilisé est le « Sami du Nord » qui est parlé par près de 26 000 personnes. Les 8 autres étant parlés par 3 000 personnes au total. Bien entendu, les groupes proches se comprennent parce qu’ils partagent des mots communs, mais ceux qui sont au nord ne comprennent pas ceux qui sont au sud. Suivant les régions, les costumes diffèrent : c’est toujours une veste colorée en feutre avec des liserés aux manches et aux épaules mais la forme générale de la veste peut changer, sa couleur, ainsi que les liserés aux manches et aux épaules.

 

Pour faire une grande distinction, il existe les Samis des forêts et les Samis du littoral.

Samis du littoral

La pêche, l’élevage et le renne ont été traditionnellement les ressources utilisées par ce peuple. Il en est de même aujourd’hui et beaucoup d’habitants de ces régions vivent encore de ces activités. La pêche et la chasse sont toujours appréciées ; la cueillette des mûres arctiques et la capture des perdrix des neiges au collet restent des activités économiques d’appoint. La langue et l’artisanat samis (appelé « Duodji ») sont toujours des vecteurs culturels importants et un certain nombre d’artistes ont à cœur de marier les motifs anciens avec la modernité, ce qui permet à la culture samie de perdurer et rester vivante. Le Duodji a traditionnellement été transmis de père en fils et de mère en fille, mais les artistes aujourd’hui forment des apprentis qui peuvent ensuite continuer des études supérieures.

Historiquement, la mer a toujours offert des ressources importantes aux Samis. D’ailleurs, leur savoir-faire dans la construction d’embarcation était tellement reconnu que des Vikings leur ont commandé des bateaux. Ils pratiquaient également la chasse à la baleine (autant les hommes que les femmes) et leur habileté était connue. Leurs camps d’été étaient situés au bout des fjords, au plus près du passage des baleines et de la pleine mer où ils allaient pêcher. Leurs camps d’hiver étaient situés un peu à l’intérieur des terres au fond des fjords, là où il y avait toujours de l’eau vive et des moyens de pêcher.

Morues séchées au plafond du musée de Gamvik : la pêche a toujours existé et était un moyen de subsistance très important

Morues séchées au plafond du musée de Gamvik : la pêche a toujours existé et était un moyen de subsistance très important

En plus de la pêche en mer, ils pratiquaient aussi plus à l’intérieur des terres la chasse, la pêche en eau douce* et la récolte de baies et d’herbes variées. En dehors de ces activités qui constituaient le principal de leur temps, ils élevaient aussi de petits troupeaux de rennes en complément (contrairement à ce que l’on croit, l’élevage de rennes n’est que depuis peu une de leurs activités principales – voir explication plus bas).

*la pêche en eau douce : elle a joué un rôle essentiel dans la vie des Samis du littoral car elle était possible toute l’année et tournait principalement autour du saumon et de la truite. Les gens avaient ainsi suffisamment de poisson pour leur usage personnel. Le printemps est la saison de la pêche par excellence et dès que les cours d’eau dégelaient commençait la pêche au saumon. On utilisait même des collets faits de pousses de saule dans les ruisseaux. Mais sinon elle se faisait à l’aide de filets (mobiles ou non), de cannes à pêche, voire de feux la nuit pour attirer les saumons. Dans les lacs, on pêchait tout l’année soit avec des cannes à pêche, soit au moyen de filets installés sous la glace ou dans les parties d’eau libre.

Aujourd’hui, le nombre de poissons dans les rivières a considérablement diminué. En cause : notamment la régulation des cours d’eau qui a diminué la quantité et la qualité du poisson.

L’agriculture a été pratiquée aussi, en tant qu’activité complémentaire. Depuis longtemps, déjà, les Samis récoltaient le foin pour faire du fourrage pour l’hiver, mais aussi du lichen (la nourriture préférée des rennes) et du varech qu’ils faisaient sécher (comme complément pour nourrir les bêtes). D’ailleurs, dans leur recherche de pâturages estivaux, ils tentaient de dénicher un endroit alliant bois, eau, poissons et baies (autant trouver un lieu qui combine toutes les facilités !).

L’agriculture à proprement parler est apparue plus tôt chez les Samis du Sud car les terres étaient plus facilement cultivables (surtout avec les outils de l’époque !) et le climat plus clément que dans le Nord. Ce n’est qu’au début du XXème siècle que tout le pays a été cultivé. A l’intérieur des terres, c’était la production de lait qui était privilégiée alors que sur les côtes, la priorité était plus donnée aux moutons et aux chèvres (plus résistants). Aujourd’hui, si l’été est doux, on peut faire pousser des pommes de terre, mais la culture des tomates se fait sous serre et uniquement pour la consommation personnelle.

Enfin, la forêt a toujours été une précieuse source de matières premières : bois pour le chauffage, goudron (fait à partir de la sève des conifères), fourrage et pâturages. Le bouleau et l’aulne sont d’ailleurs essentiels pour l’artisanat traditionnel (la plupart des objets usuels sont faits en bouleau). Mais malheureusement aujourd’hui, ils sont abattus de manière excessive comme bois de chauffage pour être remplacés par du sapin.

Vieille carte postale colorisée montrant un camp de Samis du littoral

Vieille carte postale colorisée montrant un camp de Samis du littoral

Samis des terres

Leur principale ressource était l’élevage des rennes, par l’élevage intensif de petits troupeaux. Pour tirer le meilleur parti des pâturages et des saisons, les Samis migraient à différentes places en hiver, au printemps, en été et à l’automne, leurs affaires étant transportées grâce à des rennes qui tiraient de petits traineaux et portaient des baluchons sur leurs flancs. Dans ce type d’élevage, le lait et le fromage tenaient une place essentielle, la pêche et l’agriculture offrant quelques compléments.

Les grands troupeaux tels que nous les connaissons aujourd’hui se sont développés à partir du XVI et XVIIème siècle. Comme vous pouvez vous en douter, aujourd’hui les pratiques d’élevage ont beaucoup évolué, notamment si on considère les motoneiges et la voiture qui sont utilisés pour le transport des rennes. Mais des pratiques ancestrales comme le lasso et l’utilisation du chien de troupeau sont toujours très prisées.

Particulièrement au nord du territoire Sami, historiquement, toutes les parties du renne étaient utilisées : des os en passant par les bois (chaque partie des bois a une utilisation spécifique), les tendons ou la peau. Aujourd’hui, seule la viande est privilégiée, le lait et le fromage n’étant plus produits. La peau ou la fourrure est quand à elle toujours très utilisée pour fabriquer des vêtements et des chaussures, tandis que les cornes et les os sont toujours utilisés dans le Duodji (l’art manuel).

Autrefois, pour les Samis sédentaires (eh oui, ils n’étaient pas tous nomades !), l’élevage des rennes étaient une activité secondaire. Les rennes étaient confiés la plus grande partie de l’année à des Samis nomades et les propriétaires ne jouaient un rôle actif que pendant la période de rassemblement, marquage et abattage des animaux qui se passe à l’automne. Mais la loi actuelle interdit ce type d’accords et les Samis sédentaires ne peuvent plus posséder de troupeau, à leur grand mécontentement car cette loi défait une partie les liens sociaux historiques existants entre Samis. En effet, cette relation entre l’éleveur nomade et le possesseur de rennes sédentaire s’appelle « verde » en langue samie, mot qui pourrait être traduit en français pas « ami invité ».

Costumes traditionnels d'un groupe de Samis des terres (musée de Kautokeino)

Costumes traditionnels d'un groupe de Samis des terres (musée de Kautokeino)

Bateaux

Dès le XIIème siècle, l’historien norvégien Snorre parle de bateaux construits par les Samis (il admire des bateaux samis construits pour le viking Sigurd Slembe). Pratiquant la pêche et la chasse, il est très possible que ces derniers aient appris très tôt à réaliser des embarcations, qui pour les premières devaient être creusées dans des troncs ou fabriquées en cuir cousu. Par la suite, elles ont été constituées de planches maintenues par des tendons, des racines ou du chanvre. Plus tard, elles ont été rivetées et maintenues entre elles par une sorte de colle appelée « sidja » faite de poils de rennes et de goudron (ils ont de l’imagination pour utiliser les poils de renne !).

Bateau en cuir cousu (musée d'Alta)

Bateau en cuir cousu (musée d'Alta)

Le traîneau à rennes

Le « geres » est un traîneau à l’allure d’un petit bateau. La caravane de rennes est en général formée de 4 geres : le « vuodjengeres » (qui, en tête, sert au transport d’une personne), puis le « lohkkegeres » (qui contient les aliments et les objets précieux), le « ráidogeres » (pour les objets les plus solides) et enfin le « goahtegres » qui, placé en queue de caravane, transporte les affaires et les piliers de la tente.

Dessins de caravanes de traineaux (musée de Karasjok)Dessins de caravanes de traineaux (musée de Karasjok)Dessins de caravanes de traineaux (musée de Karasjok)

Dessins de caravanes de traineaux (musée de Karasjok)

Exemple de 2 geres et d'un ballot pour sangler des affaires sur le flanc d'un renne (musée de Kautokeino)

Exemple de 2 geres et d'un ballot pour sangler des affaires sur le flanc d'un renne (musée de Kautokeino)

Une culture axée sur la chasse et la trappe

Au plus loin que l’on peut remonter, la culture samie est basée sur la chasse et la pêche. Ils étaient organisés en « siida »*, chacune des siidas se déplaçant sur un territoire délimité, entre quatre lieux d’habitation fixes (1 par saison), selon les conditions de chasse et de pêche.

*siida : petit groupe dont les membres vivaient et travaillaient ensemble, qui étaient plus ou moins des unités familiales, autonomes dans leur gestion.

Les chasseurs se servaient d’arcs, de flèches, de lances et installaient des pièges. Ils entouraient parfois des trous creusés avec des enclos de pierres qui étaient sensés aider les animaux à se précipiter dans le piège. Parfois aussi des rennes sauvages capturés et apprivoisés servaient d’appâts. Bien-sûr, ce genre de chasse impliquait que tous les membres de la siida coopèrent. On pense que des rituels avaient lieu avant ces chasses afin qu’elles soient fructueuses et que les gravures rupestres comme celles trouvées à Alta étaient peut-être réalisée pour des cérémonies en lien avec la chasse. La chasse pouvait cependant aussi bien être individuelle (en petits groupes) que collective (impliquant tous les membres de la siida).

Au début du Moyen-Age, le Sápmi était renommé dans toutes l’Europe pour sa richesse en peaux, fourrures, dents de morse, castor et autres animaux. Mais au XIV et XVème siècle, la chute des prix en Europe fut telle que, pour compenser les pertes, la chasse se fit de plus en plus intensive, au détriment de bon nombre d’espèces d’animaux. Cela, ainsi que le partage de leur territoire ancestral entre les 4 pays voisins, a transformé la culture samie. Les Samis furent alors obligés de se spécialiser dans des domaines différents.

Scènes de chasse sur les gravures rupestres d'Alta

Scènes de chasse sur les gravures rupestres d'Alta

La culture samie

Traits fondamentaux : un des traits fondamentaux de la culture samie est que l’Homme fait partie de la nature et doit la respecter. L’indépendance économique, l’égalité et la coopération au sein des groupes sont aussi des aspects fondamentaux de cette culture. D’ailleurs, le mot « Siehtadit » qui veut dire « négocier » est un mot sami alors que le mot « soahtat » qui veut dire « faire la guerre » est un mot d’emprunt. Toute une philosophie…

Ils évitent à tout prix une exploitation excessive de la nature qui doit être utilisée mais guère « consommée » ou abîmée. De par la grandeur du territoire, la nature et les ressources auxquelles sont confrontés les Samis varient considérablement mais l’utilisation des ressources disponibles demeure le point commun entre les différentes communautés. Toutes ces différences ont entraîné des façons de parler, de s’habiller ou de vivre différentes, qui ont longtemps fait penser à des différences ethniques, alors qu’il n’en est rien. Ce sont juste le reflet des caractéristiques locales.

Parenté : Parents et amis, habitants de la côte et de l’intérieur du pays, ils s’échangeaient des biens et se partageaient le travail. Etaient considéré comme faisant partie de la parenté les personnes proches par le sang, mais aussi tous les parents éloignés, parrains et marraines, familles d’accueil ainsi que les amis intimes. Les mariages se faisaient entre groupes de différentes activités, quitte à dépasser les frontières établies. A leur manière, ils avaient déjà inventé le village global !

Evolution de la culture : La culture samie étant extrêmement différente et originale par rapport aux cultures environnantes, ils se devaient de la préserver le plus possible par rapport aux communautés environnantes qui exigeaient, au fil du temps des taxes, prélevaient des impôts, promulguaient des lois, exploitaient les ressources à leur profit, divisant le peuple Sami en le séparant arbitrairement et en discriminant les Samis et/ou leurs coutumes. Mais les Samis se sont toujours attachés à préserver autant que possible leur liberté, leur identité et leur dignité.

Avec la colonisation du Sápmi et la réduction des ressources naturelles, leur style de vie s’est modifié et d’un mode de vie basé sur une grande diversité d’activité, ils sont passés à un autre, axé davantage sur une activité principale. Ils se sont spécialisés notamment dans l’élevage des rennes (par contraste avec la chasse de rennes sauvages), la pêche et l’agriculture.

Aujourd’hui, d’où que soient venues les influences et les pressions des communautés alentours, les Samis ont gardé des points qui sont plus ou moins apparents dans les traditions d’aujourd’hui, que ce soit au niveau de l’artisanat, des costumes traditionnels ou de la langue samie.

La fierté d'être Sami (Nils au Boazo Sami Siida à Alta)

La fierté d'être Sami (Nils au Boazo Sami Siida à Alta)

Le Duodji (artisanat sami)

Les variations climatiques selon les régions ont conduit à l’émergence de traditions locales, sources d’enrichissement du Duodji. Evoqué dès le XIIème siècle par Snorre, historien norvégien (le même qui parlait des bateaux faits pour les Vikings), l’artisanat reste très important aujourd’hui et reste une force vive de la culture samie, même si il a subi des changements dus à l’évolution des modes de vie.

Le bouleau est le bois le plus employé. Le saule l’est aussi, pour la confection de liens qui maintiennent ensemble les morceaux d’une luge par exemple, alors que l’écorce est utilisée pour préparer les peaux. L’écorce du saule et de l’aulne servent au tannage des peaux de rennes, mais c’est celle de l’aulne (l’arbre du dieu de la chasse) qui leur donne cette couleur brun-rouge.

Bois : le bouleau est le bois le plus utilisé, que ce soit pour les tasses, plats, louches et bacs car les matières « neutres » de ce bois ne donnent pas d’arrière-goût à la nourriture. Par contre, les beurriers samis sont composés de bois de bouleau (qui peut gonfler) pour les parois et de bois de pin (bouilli pour enlever le goudron) pour le fond et le couvercle (qui ne changent pas de forme).  Les morceaux sont cousus ensemble par la partie centrale d’une plume d’oiseau, qui sert de « fil ». Les bols pour traire les rennes étant sculptés dans des bosses que l’on peut trouver sur les troncs d’arbres malades.

Artisanat Sami : une gourde à sel et 2 bols pour la traite des rennes (en bouleau ; musées de Varangerbotn et Karasjok))Artisanat Sami : une gourde à sel et 2 bols pour la traite des rennes (en bouleau ; musées de Varangerbotn et Karasjok))Artisanat Sami : une gourde à sel et 2 bols pour la traite des rennes (en bouleau ; musées de Varangerbotn et Karasjok))

Artisanat Sami : une gourde à sel et 2 bols pour la traite des rennes (en bouleau ; musées de Varangerbotn et Karasjok))

Bois de rennes : très dense car contient peu de moelle, il est d’excellente qualité. Chaque bois est composé de différentes parties destinées à des usages différents.

Magnifique marteau décoratif avec des embases de bois (musée de Karasjok)

Magnifique marteau décoratif avec des embases de bois (musée de Karasjok)

Autres utilisations de la corne : décorations de ceinture, fourreau de couteau, boîte d'allumettes (musée de Karasjok)Autres utilisations de la corne : décorations de ceinture, fourreau de couteau, boîte d'allumettes (musée de Karasjok)

Autres utilisations de la corne : décorations de ceinture, fourreau de couteau, boîte d'allumettes (musée de Karasjok)

Fil d’étain : autrefois très répandu dans son utilisation sur tout le territoire sami, aujourd’hui il n’y a plus que les Samis du sud pour broder leurs costumes avec du fil d’étain. Bien que l’étain provienne d’autres pays avec qui ils commerçaient, c’étaient eux qui le travaillaient pour donner ces fils spiralés caractéristiques de l’art sami. C’était le seul métal travaillé le plus anciennement par les Samis car il est très malléable.

Collier/bracelet en cuir et fil d'étain torsadé, typique de l'artisanat sami (plutôt en Suède)

Collier/bracelet en cuir et fil d'étain torsadé, typique de l'artisanat sami (plutôt en Suède)

Couteau : outils indispensable pour les Samis, il a tout d’abord été fabriqué en ardoise puis ensuite en fer et en acier. Les manches des couteaux sont réalisés à partir de bois de rennes, d’écorce, de bois de bouleau ou des bosses trouvées sur les arbres malades. La gaine est soit en corne de renne, décorée à l’aide de fines gravures, soit en cuir. Les motifs décoratifs traditionnels étant une ligne droite, une ligne courbée ou une forme de S, avec une bonne harmonie entre les lignes et les formes.

Fourreau de couteau ornée, à côté d'une gourde à sel (musée de Varangertbotn)

Fourreau de couteau ornée, à côté d'une gourde à sel (musée de Varangertbotn)

Des vêtements adaptés au froid

Un bon vêtement doit protéger contre le froid et le vent, maintenir la chaleur même s’il est trempé, sécher rapidement et être agréable à porter quand on travaille. Et pour cela, le renne offre la meilleure peau, même s’ils utilisent aussi la peau de vache, de mouton ou de phoque.

Fourrure : des racloirs servent à enlever les dernières membranes de la peau, l’écorce à la tanner puis un mélange de lait caillé battu et de farine étendu sur la peau sert à l’apprêter.

Peau (sans les poils) : on laisse la peau dans l’eau pendant quelques semaines le temps que tous les poils se détachent. Puis on gratte avec un racloir avant de la tremper dans un mélange d’eau et de bouleau. Pour terminer, la peau est imprégnée d’écorce de saule jusqu’à ce qu’elle devienne douce et prenne une certain couleur (brun-rouge).

Vêtements de fête : ils sont faits à partir de la fourrure des rennes blancs, qui ne représentent qu’un faible pourcentage du troupeau. Il est ainsi facile de les reconnaître.

Vêtements plus habituels et vêtements de fêtes blancs (musée de Karasjok)
Vêtements plus habituels et vêtements de fêtes blancs (musée de Karasjok)

Vêtements plus habituels et vêtements de fêtes blancs (musée de Karasjok)

La spiritualité samie

Nature sacrée : la foi des Samis est une foi dans la nature, qui pour eux est habitée par différentes forces. Celles-ci sont neutres, mais on peut en obtenir des faveurs en les adorant. Pour eux, il n’y a pas de séparation stricte entre leur culture et la nature : les gens font partie de la nature. D’ailleurs, dans le langage Sami, il n’y a pas de mot pour « nature sauvage ». Il n’y a pas non plus de séparation stricte entre ce qui est profane et ce qui est sacré. Ils utilisent cependant un mot : « luohtu » pour la nature physique et un mot : « luondu » pour la partie spirituelle de la nature. Certains animaux comme l’ours ou le phoque étaient aussi perçus comme sacrés.

C’est en contraste avec la pensée occidentale chrétienne, qui fait une séparation entre la nature et la culture, mais aussi entre le profane et le sacré.

La pensée samie est assez ouverte aux autres croyances et il n’y a pas de limites entre le nombre de dieux auxquels vous pouvez croire. C’est pourquoi ils ont intégré à leur propre culture, en les renommant, les dieux venant de la mythologie nordique ou du christianisme, avec qui ils étaient régulièrement en contact.

Un canyon : une formation géologique qui devait avoir une signification forte chez les Samis

Un canyon : une formation géologique qui devait avoir une signification forte chez les Samis

Mondes parallèles : selon les Samis, plusieurs mondes parallèles existent : le monde où vivent les gens, les animaux et le reste (sur terre); le monde des morts (sous terre); le monde des esprits, des dieux et des autres pouvoirs de la nature (au « paradis »). Finalement, on s’aperçoit que ce n’est pas si loin des représentations chrétiennes des 3 types de monde, ce qui explique qu’ils n’ont eu aucun mal à intégrer certaines coutumes chrétiennes.

Le Sáivu est l’un de ces mondes. Cela peut être de hautes montagnes habitées par les esprits, ou aussi des lacs qui sont réputés avoir un double fond, le royaume sáivu reposant de l’autre côté du fond du lac, où tout est mieux et plus gros que sur terre. Les poissons des lacs sáivu sont particulièrement gros et grands, difficiles à attraper. Dans les temps pré-chrétiens, on y faisait souvent des offrandes (pratique interdite ensuite).

Il y a aussi le concept d’un monde des morts sous nos pieds, qui est à l’envers si on le regarde avec nos yeux : les racines de nos arbres forment les arbres du royaume des morts, les morts marchent avec leurs pieds parmi nous, nos poissons sont leurs oiseaux, etc. Certains êtres peuvent faire la navette entre les deux mondes, vivant sous la terre ou dans des petits monticules de terre, pouvant attirer certains humains qu’ils vont leurrer. Est-ce l’ancêtre des trolls ?

Les trolls, issus de la culture samie ?

Les trolls, issus de la culture samie ?

Coutumes funéraires : dans les temps pré-chrétiens, les inhumations se faisaient sous un tas de pierres, sous un rocher ou dans une crevasse (pour être plus près du monde souterrain ? les grottes et les crevasses étant considérés comme des portes possibles vers d’autres mondes, de même que les espaces entre les pierres). Le mort recevait des cadeaux funéraires comme des armes, des outils et des bijoux.

Les plus anciennes sépultures datent du dernier millénaire avant JC, dans la région du Varanger (péninsule située au nord-est de la ville de Tana Bru, en Norvège). Vers 1000 à 1200 après JC, ce type d’inhumations s’est répandu plus au sud. Au XVIIème siècle, ces sépultures ont disparu au nord pour être remplacées par des inhumations chrétiennes dans des cimetières alors que la pratique coutumière est restée vivace plus au sud tout au long du XVIIIème siècle (peut-être ce territoire était-il moins évangélisé ?). Quelques rares sépultures étaient plus grandioses avec des chambres funéraires faites de pierres dont une grosse pierre fermant le dessus.

Une crevasse, porte d'entrée vers le monde souterrain...

Une crevasse, porte d'entrée vers le monde souterrain...

Sites d’offrandes et rituels : il y avait des rituels pour les principaux aspects de la vie comme la naissance, l’attribution d’un nom, la mort et le décès. Dans les temps pré-chrétiens, il était de coutume de faire des dons à des endroits d’aspect particulier comme de grandes falaises, de grandes pierres fendues ou de forme particulière, des arbres singuliers qui pouvaient être ressentis comme des endroits de grande concentration de forces. Cela pouvait être aussi dans des cercles faits de pierres posées par la main de l’Homme, dans l’eau ou dans des emplacements dédiés près des campements. Les images des dieux n’apparurent que bien plus tard, tout comme celle du diable ou de l’enfer, notamment à cause du christianisme.

Les Samis n’allaient jamais se promener dans la nature pour « le plaisir », ils avaient toujours quelque chose à y faire (chasse, pêche, prendre soin des rennes ou vérifier si les framboisiers arctiques ont fleuri). En effet, dans leur trajet ils doivent toujours faire attention à tous les dieux et forces qui existent dans la nature car certains endroits sont sacrés et doivent être respectés. Il est de même important de faire attention aux signes envoyés par la nature : avant de construire une hutte en tourbe, il est bon de dormir une nuit sur place car si les lieux sont habités par des fantômes ou des esprits invisibles, ils viendront troubler vos rêves.

Un crâne sur un rocher par un temps couvert, voilà de quoi appeler les esprits à la rescousse !

Un crâne sur un rocher par un temps couvert, voilà de quoi appeler les esprits à la rescousse !

Les shamans et leurs tambours : les « shamans » étaient appelés « noaidi ». Nous avons peu d’information sur les temps anciens, mais au XVIIIème siècle ils aidaient à entrer en communication avec les forces supérieures et c’était une personne centrale du groupe. Certaines de leurs transes se terminaient par un Joïk et une longue mélopée monotone au tambour. Pendant la transe, le noaidi pouvait faire voyager son esprit et aller chercher l’esprit de la personne malade dans le royaume des morts ou trouver quelle offrande il fallait faire pour que la personne aille à nouveau mieux.  Il devait aussi s’assurer que chaque personne du groupe se comporte comme un bon Sami, et les plus puissants pouvaient même blesser ou tuer certaines personnes par le pouvoir de leur esprit.

Il se servait d’un tambour où étaient dessinés un certain nombre de motifs. Des anneaux en bois de rennes ou de laiton étaient placés là et sautaient à chaque coup de percuteur, se déplaçant sur les différents motifs. L’interprétation de ces signes permettait de prévoir le futur et de communiquer avec les dieux et les esprits. Ils servaient aussi à permettre la mise en transe.

La plupart des tambours furent détruits, ou envoyés plus au sud à Copenhague ou Oslo. Aujourd’hui, il reste seulement 70 tambours préservés. De la région du Finnmark et du Varanger, seul le tambour d’Andersen Poulsen a été conservé, provenant d’un procès qui s’est tenu entre 1691 et 1692.

Tambour de noaidi, datant de l'époque pré-chrétienne (musée de Karasjok)

Tambour de noaidi, datant de l'époque pré-chrétienne (musée de Karasjok)

Joïk (prononcer « Yoïk ») : c’est la musique vocale traditionnelle samie. Elle n’est pas composée de paroles mais plutôt de lo, lo, nai, nai, la, la, etc. qui sont répétés. Dans certaines régions, des paroles sont rajoutées par-dessus. Au XVIIIème siècle, c’était considéré comme essentiel dans la vie des Samis et ils pouvaient difficilement vivre sans (mais cela a été interdit par les missionnaires). Pour être heureux, un Sami devait « Joïker » et il apprenait cela des petites créatures qui vivaient partout dans la nature. Elles apprenaient aux Samis l’art du Joïk, mais aussi la langue samie, qui est le meilleur langage pour le Joïk. A travers le Joïk, le chanteur pouvait aussi bien décrire la personnalité de quelqu’un, qu’un paysage ou un état d’esprit. Les bons « joïkeurs » savaient décrire le rythme du fjord et sa vie : les vagues qui brisent, les mouettes qui crient, le souffle du vent ou le grondement de la mer…

La christianisation

Les premières tentatives de christianisation ont commencé au XIVème siècle. Nous ne savons pas si cela a eu beaucoup d’effet, mais certaines influences ont pu être retracées par la suite.

Les missions les plus intenses de christianisation en Norvège ont eu lieu entre 1650 et 1750, sans aucun égard pour la culture ou la tradition samie. Pour imposer la religion chrétienne, les sites d’offrandes et les tambours des shamans ont été détruits, certaines pierres importantes retournées, des shamans exécutés… Il ne reste plus qu’un seul tambour datant de cette époque : le tambour d’Anders Poulsen. Sûrement en raison des motifs qui y sont peints (sans doute pour tenter de mêler les 2 religions pour empêcher la destruction du tambour, ce qui semble avoir fonctionné). Sur la photo ci-dessous, vous pouvez y distinguer des églises (avec les croix), la partie inférieure étant considérée comme l’enfer (qui rejoint le monde des morts auquel croyaient les Samis) et la partie supérieure le paradis (approximativement le monde des esprits des Samis).

Une des personnes travaillant au musée de Varangerbotn où nous sommes allés m’a aussi révélé que jusqu’au XVIII-XIXème siècle, étant donné que la religion chrétienne était imposée, nombreux étaient les parents qui relavaient leur enfant après le baptême… Et des sacrifices sur des autels ancestraux avaient lieu jusque récemment. Comme quoi il n’est pas si facile de faire disparaître une culture qui est chevillée à l’âme de son peuple.

Tambour d'Anders Poulsen (musée de Varangerbotn)

Tambour d'Anders Poulsen (musée de Varangerbotn)

J’espère que vous avez apprécié cet article au pays de la culture samie, qui change un peu des articles que je fais habituellement. Si vous voulez en savoir davantage, je vous invite à aller voir les sites suivants (tous en anglais) :

Tag(s) : #Norvège - Cap Nord
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