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Une île comme la Réunion présente tellement de facettes différentes qu’il m’a semblé intéressant de détailler un peu ce qui fait sa spécificité. Suivez le guide…

 

Une île où la vie est foisonnante, à la diversité unique

Elle forme avec Maurice et Rodrigues l’archipel des Mascareignes. Un trio de charme, issu d’un point chaud sous la plaque indienne, qui a également formé les trapps du Deccan (centre ouest de l’Inde), les Maldives et les Chagos. Elle est la seule à avoir un volcan toujours en activité, actif depuis 65 millions d’années. C’est une île volcan de 7200m de haut dont 3070m émergés, qui n’a émergé de l’océan qu’il y a 3 millions d’années, avec le Piton des Neiges (plus haut sommet de l’Océan Indien) puis le Piton de la Fournaise qui a pris le relais depuis 1 million d’années. C’est ce qui explique que le récif corallien soit moins développé qu’à l’île Maurice, plus âgée. On parle ici de « récif frangeant ».

Les paysages ici sont très contrastés et puissants : on passe en moins de 30 km de 0 à 3000m, on observe des vallées encaissées, des cirques, des régions lunaires comme celle du volcan. Le relief de l’île produit un ensemble de microclimats qui permettent à une flore diversifiée de s’épanouir (endroits au climat tropical chaud et humide, avec plus ou moins d’ensoleillement, au climat subtropical très pluvieux ou à faibles pluies, tempéré humide mais aussi tempéré sec, tropical sec). La pluviométrie peut ainsi passer de plus de 10m par an dans le Sud-Est à 400mm par an dans certains points de l’Ouest, qui est la côte sous le vent. Les températures varient également avec l’altitude.

N’ayant jamais été en contact avec un continent, l’île a été peuplée par les espèces animales et végétales arrivées par la mer, les vents ou les oiseaux en provenance de Madagascar, Maurice et Rodrigues (plus anciennement colonisées) mais aussi d’Afrique (70%), d’Asie (8%), d’Océanie. Pour la faune terrestre 10 à 20% des espèces sont arrivées soit sur des radeaux flottants entraînés par les courants océaniques en surface, soit par les airs lors de grandes crises pluviales (80 à 90%). Isolées de leur origine, ces espèces ont évolué de manière différente et indépendante, créant de nouvelles espèces propres à l’île et uniques au monde, que l’on appelle « endémiques* », ou propres à l’archipel des Mascareignes, que l’on appelle « indigènes ». Avec les autres îles du Sud-Ouest de l’Océan Indien (Madagascar, Seychelles, Comores, Maurice et Rodrigues), elle fait partie d’un des 25 « hot spots » de biodiversité (zones prioritaires pour la conservation des milieux naturels à l’échelle mondiale). A titre de comparaison le nombre d’espèces de plantes endémiques par unité de surface est, à la Réunion, 3 fois plus élevé qu’à Hawaï et 5 fois plus élevé qu’aux Galápagos.

 

*endémique : « les populations implantées sur l’île à partir d’un petit nombre d’individus (faible variabilité génétique) se sont retrouvées isolées de leurs populations d’origine et soumises à des pressions de sélection nouvelles, liées à la diversité des habitats insulaires et aux conditions climatiques et physiques. Devenues des populations fondatrices, elles ont reconstitué progressivement une variabilité génétique qui leur est propre. Elles divergent ainsi des espèces souches en engendrant de nouvelles espèces qui ne se trouvent qu’à cet endroit au monde. C’est ce que l’on appelle l’endémisme. »

 

« La Réunion du fait de son relief est la seule île à disposer de cette variété de milieux naturels, et la bonne conservation de plus d’un tiers de ces milieux favorise encore les phénomènes de spéciation au niveau de la flore et de la faune et en fait à la fois un véritable laboratoire de l’évolution et une ressource pour la conservation des autres îles, en particulier des Mascareignes. »

La qualité et la diversité des paysages est un des piliers de la qualité de vie et de l’attractivité de la Réunion. Ces paysages sont nés de la conjugaison de plusieurs éléments :

- L’activité des deux volcans

- Une forte érosion due à un climat chaud et humide

- Des variations climatiques qui s’étagent en fonction de l’altitude, mais aussi en fonction de la situation « au vent » ou « sous le vent », ce qui engendre une grande variété des milieux naturels

- L’intervention de l’Homme, plus récente

 

« Ces conditions ont créé des paysages uniques au monde, contrastés, surprenants, toujours en mouvement, qui marquent et fascinent les Réunionnais et les visiteurs :

- Des ambiances multiples des paysages d’île tropicale à ceux de plaines d’élevage de montagne, des hauts sommets aux cirques, des paysages minéraux aux forêts luxuriantes,

- Une évolution constante du fait d’éléments naturels (volcanisme, colonisation végétale…) et de la pression humaine (urbanisation, défrichement…). »

Tamarins des Hauts et bambou calumet : 2 espèces endémiques de l'îleTamarins des Hauts et bambou calumet : 2 espèces endémiques de l'île

Tamarins des Hauts et bambou calumet : 2 espèces endémiques de l'île

Un endémisme record et une perte de diversité préoccupante

La flore indigène : une si grande richesse pour une si petite île

- Près de 600 espèces de plantes à graines, dont 50% sont endémiques des Mascareignes et 30% endémiques de la Réunion. Pour comparaison, le taux d’endémisme en métropole n’est que de 15%

- Plus de 240 espèces de fougères et de prêles, dont 10% endémiques de l’île

- Plus de 650 espèces connues de mousses, hépatiques et sphaignes (famille des bryophytes) dont 13% endémiques de l’île. Encore beaucoup d’espèces à décrire

 

Faune indigène de l’île : une forte originalité

Même si la diversité en vertébrés est relativement pauvre (50 espèces) et les grands vertébrés absents, certains groupes comme les invertébrés (papillons, coléoptères…), les oiseaux, les reptiles présentent un fort taux d’endémisme.

Sur les 50 espèces de vertébrés décrites lors de la colonisation il y a 350 ans, 30 ont déjà disparu suite à la destruction de leur habitat, à la chasse effrénée à laquelle ils ont été soumis, l’introduction de prédateurs et de concurrents pour l’espace ainsi que les ressources alimentaires. Aujourd’hui, toutes les espèces de vertébrés terrestres sont protégées et les actions se concentrent sur la protection de leur habitat et vis-à-vis de leurs prédateurs introduits. Mais le braconnage très présent complique la tâche.

Les poissons de l’île ont presque tous une étape de leur cycle de vie qui a lieu en mer. Cela entraîne des efforts à produire pour protéger aussi bien les habitats en eau douce dans les ravines que les habitats côtiers.

Les invertébrés, ces « petites bêtes » sont largement méconnues. Pourtant elles jouent un rôle fondamental dans le fonctionnement des chaînes alimentaires, dans le processus de pollinisation ou de décomposition de la matière organique. Il reste un travail énorme d’identification à faire sur l’île de la Réunion, mais on sait déjà que leur taux d’endémisme croît avec l’altitude.

 

Une perte de diversité préoccupante

On différencie les milieux « naturels » ou « primaires » ou « indigènes » (peu ou pas perturbés par l’Homme) des milieux « secondaires » ou « exotiques », « anthropiques », « dégradés » ou modifiés (par l’Homme). Actuellement, il reste 60% des forêts de montagne et environ 10% des forêts de basse altitude originelles. Ces dernières ont été plus dégradées car elles se situaient dans des lieux facilement colonisables et cultivables ; elles ne subsistent que par endroits dans les ravines difficiles d’accès et sur les pentes raides. Du fait de sa superficie et du relief montagneux qui caractérise l’île, les milieux naturels y sont mieux conservés que partout ailleurs dans les Mascareignes : plus de 30% des milieux naturels et formations primaires y subsistent, contre 3% pour Maurice et 1% pour Rodrigues. La plupart des espèces les plus menacées sur l’île se trouvaient à l’origine dans les milieux de basse altitude, qui ont été progressivement défrichés et/ou morcelés.

 

La conservation devra prendre plusieurs axes différents :

- Arrêt de la destruction et de la fragmentation des milieux naturels

- Sauvegarde de ceux qui sont peu impactés

- Prévention et gestion des espèces envahissantes : sur les 2000 espèces importées, 600 se reproduisent dans la nature et 60 sont envahissantes (appelées « pestes végétales »), menaçant la flore indigène en la remplaçant

- Conservation des espèces endémiques en voie d’extinction

- La maîtrise des prélèvements abusifs et l’empoisonnement des milieux aquatiques

- Diminution des incendies Il est urgent d’établir un plan d’action réfléchi et coordonné pour la gestion et le contrôle des pestes végétales. Ces actions doivent être accompagnées d’une sensibilisation des professionnels intervenant en milieu naturel, des aménageurs, des gestionnaires et du grand public.

 

« La pénétration des milieux naturels est encore limitée. En effet, plus de 50 000 ha sont à une distance de plus de 500m de tout accès (routes, pistes, sentiers) ». Il y a donc plus de 30% de la végétation qui est encore à l’état primaire, c’est-à-dire qui n’a pas été modifiée par l’Homme, située pour la plupart dans les Hauts et le centre de l’île (les cirques). C’est dans cette optique que les pouvoirs publics sont en train de créer le Parc National de la Réunion, afin d’intensifier les mesures de protection On comprend donc mieux la volonté de créer un Parc National. Le parc envisagé recouvrirait une très grosse partie de l’île, englobant les cirques (à l’exception des villages de Cilaos et ceux du centre de Salazie), le volcan et une très grande partie des Hauts, couvrant quasiment 50% de la surface de l’île. Les règlementations qui en découleraient n’enchantent pas forcément tous les habitants ou utilisateurs de ces lieux.

Fougères arborescentes et plantes épiphytes (se servant des autres comme support) dans les forêts préservées ; la savane, milieu très dégradé par l'Homme, du Cap La HoussayeFougères arborescentes et plantes épiphytes (se servant des autres comme support) dans les forêts préservées ; la savane, milieu très dégradé par l'Homme, du Cap La Houssaye
Fougères arborescentes et plantes épiphytes (se servant des autres comme support) dans les forêts préservées ; la savane, milieu très dégradé par l'Homme, du Cap La Houssaye

Fougères arborescentes et plantes épiphytes (se servant des autres comme support) dans les forêts préservées ; la savane, milieu très dégradé par l'Homme, du Cap La Houssaye

Une activité volcanique intense et des risques naturels très présents

L’île est formée en grande partie par un immense volcan bouclier appelé le Piton des Neiges, apparu il y a 3 millions d’années et dont 90% du volume est sous la mer. Il est inactif depuis 12 000 ans. Plus récent, le Piton de la Fournaise est apparu il y a plus d’un million d’années sur le flanc Sud-Est du premier volcan, se décalant successivement vers l’est, les différentes caldeiras formant la rivière des Remparts, la Plaine des Sables puis l’Enclos. C’est un des volcans les plus actifs du globe avec en moyenne une éruption par an depuis un siècle. C’est donc un laboratoire grandeur nature pour la volcanologie et l’étude de la colonisation des coulées par la végétation. Les habitants tiennent aussi beaucoup à leur volcan et on les voit affluer en masse à chaque éruption.

Mais les risques naturels de l’île ne se résument pas aux éruptions volcaniques. Il y a aussi les cyclones de l’été austral, quand la température de la mer dépasse les 26° entre 10 et 20° de latitude. La côte Est, qui est la côte au vent, est la plus touchée mais des dégâts ont lieu aussi dans les cirques et dans l’Ouest. Les côtes de toute l’île doivent aussi faire face à l’assaut de vagues déchaînées à ces occasions. Le risque d’inondation existe également, notamment lors des fortes crues qui succèdent aux pluies diluviennes occasionnées par le passage de systèmes dépressionnaires comme les cyclones (l’île possède un certain nombre de records mondiaux. Par ex : 1825 mm tombés en 24h à Foc Foc en 1980, ou 3240 mm tombés en 3 jours à Grand Ilet en 1980. Quand on sait que Paris en reçoit 600 mm/an !) ; le débit des rivières en crue sortant des cirques dépasse souvent les 1000 m3/s. Du fait de la forte pluviométrie l’érosion des sols à la Réunion, notamment dans les cirques où les sols sont plus instables, est une des plus rapides du monde : de l’ordre de 1mm/an. L’érosion et l’instabilité des terrains conduit aussi à la chute de pierres (comme sur la route du littoral) ou à des glissements de terrain.

La Réunion est donc un département qui doit faire face à des risques naturels multiples et variés, bien plus nombreux et concentrés qu’en métropole.

Le cratère du Dolomieu, au Piton de la Fournaise ; le lit d'une rivière en hiver, qu'il faut imaginer charriant des tonnes d'eau l'hiver en cas de fortes pluies (regardez la taille des rochers déplacés)Le cratère du Dolomieu, au Piton de la Fournaise ; le lit d'une rivière en hiver, qu'il faut imaginer charriant des tonnes d'eau l'hiver en cas de fortes pluies (regardez la taille des rochers déplacés)

Le cratère du Dolomieu, au Piton de la Fournaise ; le lit d'une rivière en hiver, qu'il faut imaginer charriant des tonnes d'eau l'hiver en cas de fortes pluies (regardez la taille des rochers déplacés)

Brève histoire du peuplement de l’île

L’histoire du peuplement de l’île est très récente : seulement 350 ans. C’est un des territoires habités les plus tardivement sur Terre. Le peuplement s’est déroulé en plusieurs vagues où l’esclavage puis l’engagisme ont joué une grande part. La population de l’île s’est donc composée à partir d’un métissage important et d’une cohabitation entre des populations provenant de Madagascar, d’Europe, d’Afrique et d’Asie. Les habitants sont donc habitués à voir se côtoyer différentes traditions culturelles et religieuses (Christianisme, Islam et Hindouisme pour les 3 plus importantes). L’île a donc une grande tradition de tolérance et une identité aux multiples facettes.

 

Une implantation de type coloniale a commencé au XVIIIème, pour s’enraciner au XIXème. Les esclaves en fuite (« marrons ») sont allés se réfugier là où l’île n’était pas peuplée, c’est-à-dire dans les Hauts et dans les cirques. Les conditions y étaient difficiles, mais la difficulté de l’accès était le passeport pour la dignité et la liberté.

« Des cirques ou des pitons perdus à l’intérieur de l’île perpétuent la légende des plus illustres d’entre eux : Dimitile, Enchaing, Cimandef, Mafate, et les autres héros du marronnage survivent dans l’imaginaire du peuple créole. Pitré, surnommé « le roi de l’île » par les Noirs ; Matouté et sa femme Simangavole ; Bâle qui se fit élire « Grand roi de l’intérieur » ou encore le « roi Phaonce » sur la planèze des Bénares… Chacun de ces chefs régnait sur des troupes plus ou moins nombreuses mais toutes organisées pour la lutte contre les Blancs propriétaires des plantations des Bas.

Cette première population « noire » a été complétée par le déplacement d’une partie des affranchis de 1848 dans les Hauts de l’île. Après l’abolition de l’esclavage, ils se réfugièrent dans les cirques pour échapper aux engagements de travail devenus obligatoires. »

 

Les Hauts ont aussi été peuplés par les Blancs « prolétarisés », exclus du partage des terres et des héritages des « Gros Blancs ». Suivant les traces des esclaves marrons, ils s’installent dans les Hauts dès le XVIIIème. Les « Petits Blancs », comme on les appelle, vont redécouvrir progressivement le travail de la terre et finissent par acquérir une nouvelle indépendance par rapport aux gros propriétaires terriens. Ces endroits isolés (pentes volcaniques, cirques, ravines et rempart) ont ainsi accueilli les exclus de la société de plantation et un monde original, avec une culture forte (basée sur la ruralité, la liberté, la fierté et l’indépendance) s’est construite à part. Isolés par rapport aux « Bas », leur développement tardif avait causé une émigration vers les Bas, qui s’est inversée depuis que de gros efforts d’aménagement ont été entrepris à partir des années 70, ainsi qu’une revalorisation de la culture spécifique qui y est associée. Cette culture commence à devenir une fierté seulement à la fin des années 90.

Le Piton d'Enchaing, du nom de l'esclave marron qui y a habité pendant 25 ans (cirque de Salazie)

Le Piton d'Enchaing, du nom de l'esclave marron qui y a habité pendant 25 ans (cirque de Salazie)

Les îlets, une forme d’occupation de l’espace bien particulière

Un îlet est une sorte de « bout du monde », accroché à flanc de ravine ou sur son piton, une sorte de « petite île dans l’île ».

« C’est un espace géographique qui se définit par des caractéristiques humaines et physiques :

- Isolement du point de vue de la géographie physique. Il est formé soit par la partie « isolée » d’une planèze en amont d’un « serré », soit par un « éperon » dans une boucle de rivière, soit par une « écaille » dans la paroi d’un rempart, soit par le sommet d’une butte

- Isolement du point du vue de l’accès : pas de chemin carrossable

- Dimensions réduites

- Présence permanente de quelques familles, sans réel commerce ni service

- Organisation de l’espace en vue d’une vie pratiquement (partiellement) en autarcie : cultures vivrières, arbres fruitiers, basse-cour… Mode de vie adapté à l’espace environnant ; microcosme »

 

Sa population est historiquement composée de « Petits Blancs » et d’esclaves affranchis. Le début de la colonisation des îlets a commencé au XVIIIème siècle par les esclaves fugitifs, puis les terres des Hauts sont distribuées aux Petits Blancs et aux affranchis. L’occupation de ces terres escarpées et souvent ingrates prend son essor grâce à la culture du géranium (les tonnes d’essence produites descendent vers la côte à dos d’homme) ou au colonat (un bailleur, grand propriétaire foncier, loue les terres situées en haut de sa propriété, à des gens qui n’auraient pas forcément les moyens de les acheter). Si la pénurie associée à la seconde Guerre Mondiale a entraîné un défrichement massif des Hauts pour les cultures, la départementalisation et un cyclone ravageur en 1948 les ont dépeuplés car ils ont montré la précarité des habitats dans les îlets. Cela, associé à la baisse de la production du géranium dans les années 70 et à la construction de nouvelles routes, a favorisé la diminution de la population dans les îlets. Le nombre d’îlets a fortement diminué, certains persistant avec une vocation principalement touristique, comme dans Mafate, ou tentent de se tourner vers une agriculture respectueuse de l’environnement. Mais pour beaucoup de gens, habitants de l’île ou visiteurs de passage, les îlets restent les derniers refuges de l’âme créole.

Extrémité de l'îlet à Cordes (Cilaos) : une sensation d'être au bout du monde

Extrémité de l'îlet à Cordes (Cilaos) : une sensation d'être au bout du monde

Mafate, un espace particulier : le cœur habité de l’île

Mafate dispose d’un statut tout particulier dans le cœur des Réunionnais : il est le refuge de ce que pouvait être la Réunion au « tan lontan ». En effet, aucune route ne permet d’entrer dans le cirque, ce qui lui confère un relatif isolement. Sa population est jeune (44% a moins de 20 ans), est en augmentation depuis les années 1990 (750 habitants en 2006 contre 630 en 1990) grâce à l’accroissement des échanges avec l’extérieur, l’amélioration des voies de communication avec l’extérieur, la banalisation de l’utilisation de l’hélicoptère et la forte présence de l’Etat dans les aménagements locaux. L’agriculture a connu son heure de gloire au début du XXème siècle mais a décliné pour n’être plus qu’une pratique familiale destinée à l’autoconsommation. Les maisons, autrefois en pierre et paille, laissent place de plus en plus à des habitations coquettes et colorées de bois sous tôle, quelques fois en béton. Mais le nombre d’habitations insalubres est toutefois encore grand et les constructions parfois dans des zones soumises aux risques naturels.

En 40 ans, le confort des Mafatais s’est grandement amélioré : premières installations photovoltaïques en 1986 qui ont permis l’éclairage électrique et l’installation d’appareil électroménagers (nouveaux besoins comblés par l’adjonction de groupes électrogènes) ; adductions d’eau en 1980 (réseau devenu désuet et l’eau est parfois impropre à la consommation par un manque de protection des captages) ; survol en hélicoptère régulier pour des besoins de santé puis pour l’approvisionnement. L’un des problèmes majeurs reste cependant l’évacuation des déchets, dont le coût annuel est estimé à 400 000€.

De par leur isolement, les îlets de Mafate possèdent chacun une école. On comptait 125 élèves en 2005-2006. La poursuite des études sur le littoral dans des familles d’accueil est souvent avancée comme facteur d’échec scolaire. Mais l’isolement des enfants par rapport au monde extérieur, à sa compréhension, est aussi à mettre en avant. Leur niveau scolaire est souvent inférieur à leurs petits camarades du littoral.

On peut se poser la question de l’économie et de l’emploi dans un lieu aussi enclavé. Il y a bien-sûr les gîtes, mais qui sont plutôt des entreprises familiales. Aussi la forme d’embauche la plus répandue est le Contrat Emploi Solidarité ; l’alternance « contrat aidé – allocation chômage – RMI puis de nouveau contrat aidé » est généralisée.

Ilet de Marla : quelques commerces (plus pour les touristes), des installations photovoltaïques et des poubelles, problèmes épineux (et coûteux) à gérer en l'absence de route
Ilet de Marla : quelques commerces (plus pour les touristes), des installations photovoltaïques et des poubelles, problèmes épineux (et coûteux) à gérer en l'absence de route
Ilet de Marla : quelques commerces (plus pour les touristes), des installations photovoltaïques et des poubelles, problèmes épineux (et coûteux) à gérer en l'absence de route
Ilet de Marla : quelques commerces (plus pour les touristes), des installations photovoltaïques et des poubelles, problèmes épineux (et coûteux) à gérer en l'absence de route
Ilet de Marla : quelques commerces (plus pour les touristes), des installations photovoltaïques et des poubelles, problèmes épineux (et coûteux) à gérer en l'absence de route

Ilet de Marla : quelques commerces (plus pour les touristes), des installations photovoltaïques et des poubelles, problèmes épineux (et coûteux) à gérer en l'absence de route

Des loisirs de nature en développement

« La fréquentation des espaces naturels du cœur de l’île est un phénomène majeur, appelé à croître fortement. On estime à environ 4 millions le nombre annuel de visites dans les Hauts, générant un demi million de nuitées. Estimée à ¾ des visites et ½ des nuitées, la part de la population réunionnaise dans cette fréquentation est déjà déterminante et le sera de plus en plus : les Hauts constituent un espace vital de ressourcement et de loisir pour une population de plus en plus nombreuse, citadine et solvable. Organiser l’accueil de cette fréquentation massive et croissante, en préservant ce qui fait son attrait, est donc essentiel pour répondre à un besoin social et conforter le développement de l’emploi dans le secteur du tourisme. »

Une activité prépondérante dans les loisirs de nature est la randonnée. Qu’elle soit à pied, à cheval ou en VTT, elle permet de découvrir toute la diversité du territoire Réunionnais qui est composé de paysages exceptionnels et variés (forêts primaires, paysage minéral du volcan, les trois cirques et leurs îlets, les hautes plaines forestières et agricoles, les crêtes dominant gorges et remparts) qui sont accessibles grâce à des sentiers clairement balisés et entretenus très régulièrement. On peut voir également un peu partout des kiosques avec barbecue, qui donnent lieu au « sacro-saint » pique-nique en famille le week-end autour d’un traditionnel repas créole.

Les autres activités sont le canyoning, le rafting et la randonnée aquatique, l’escalade et le vol libre, que ce soit en parapente ou en deltaplane. Les survols de l’île, que ce soit en ULM ou en hélicoptère, tiennent aussi une bonne place.

Comme on peut le voir, les loisirs sont variés et répondent aux attentes diverses des touristes de passage ainsi que des habitants. Mais il faut pérenniser et développer de façon maîtrisée ce potentiel touristique par un entretien accru des sentiers et une gestion rigoureuse des déchets, encore trop souvent jetés en pleine nature, pour une bonne partie par les Réunionnais eux-mêmes. Cela se fera aussi par un soucis permanent d’intégration paysagère des aménagements, par l’étude de la capacité de charge des sites majeurs et une évaluation constante de leur fréquentation afin de permettre une régulation pour anticiper les effets négatifs (piétinement, disparition d’espèces…), par une ouverture maîtrisée de nouveaux paysages (études d’impact). Sans oublier de valoriser et de préserver l’assise patrimoniale de ces activités en les préservant par un effort de sensibilisation du public et la formation des acteurs du tourisme, ainsi que la mise en valeur des sites par une signalisation appropriée.

Une foule de loisirs (non exhaustive) : canyoning, ULM, plongée, rando VTT, parapente, kayak transparent...
Une foule de loisirs (non exhaustive) : canyoning, ULM, plongée, rando VTT, parapente, kayak transparent...
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Une île qui doit faire face à de nombreux défis

La préservation de la culture et de l’art de vivre : le patrimoine bâti n’est le plus souvent pas monumental mais constitué de cases en bois et en tôle, qu’il convient cependant de protéger. De même que dans les Hauts, la culture qui se transmet oralement risque de disparaître au profit des modes de distraction modernes, de même qu’un certain nombre de métiers traditionnels (bardeautier, tailleur de pierre, ferblantier…) qui ne sont plus valorisés, ou des savoir-faire comme le tressage de fibres végétales qui servaient de revenu d’appoint à bon nombre de familles. Cependant, certains incontournables de la culture Réunionnaises demeurent : la langue créole, utilisée par tous ; la cuisine, qui même si elle varie selon les origines, s’articule autour d’éléments communs ; l’utilisation médicinale de plantes ou parties de plantes récoltées dans la nature.

 

La préservation et la gestion de la ressource en eau : la forme conique de l’île ainsi que sa géologie souterraine crée de fortes disparités dans la répartition des ressources en eau de l’île. Ainsi, une majeure partie de l’eau ruisselle au lieu de s’infiltrer. De plus, les disparités pluviométriques entre la côte au vent et sous le vent créent une répartition inégale de la ressource en eau. Si l’on ajoute à cela une fragilité de la qualité de la ressource due à un assainissement insuffisant et une protection des captages en eau assez rares, ainsi que des réseaux dont il va falloir revoir l’efficience (due à un certain nombre de fuites) et l’augmentation des besoins, on imagine l’ampleur des défis qui attendent la population pour un approvisionnement en eau pérenne et de qualité. Des progrès ont d’ores et déjà été faits, comme la création de zones de protection autour des captages, mais les chantiers restent énormes.

 

Une population croissante dans une île en mutation : la Réunion connaît une très forte dynamique démographique. En effet, la population a pratiquement triplé ces 50 dernières années, passant de 275 000 habitants en 1954 à 775 000 habitants en 2005 et aura probablement dépassé le million d’habitants en 2030. Les premiers signes de vieillissement se font sentir et la diminution de la taille des familles engendre un besoin de logement d’autant plus fort. Ce qui conduit à une urbanisation souvent anarchique qu’il va falloir réguler, notamment par la création de plans d’occupation des sols, à faire respecter. La colonisation croissante des Hauts, du fait d’une diminution du retard en équipements et de l’acquisition croissante de voitures par leurs habitants permet désormais à un plus grand nombre de personnes d’habiter dans les Hauts tout en travaillant dans les Bas.

 

Une agriculture en mutation, dynamique et diversifiée : des grandes exploitations foncières on est passé, grâce à la réforme foncière, à une agriculture faite de petites exploitations familiales. Même si les pressions foncières dues à une urbanisation croissante ont réduit les surfaces cultivées, particulièrement dans les Bas, les Hauts se démarquent avec une agriculture encore très présente et tournée vers la consommation locale (contrairement aux Bas plus tournés vers la canne à sucre). Même si le visage de l’agriculture réunionnaise est pluriel (une agriculture fragile qui reste le pilier de l’économie familiale à l’agriculture entrepreneuriale qui s’inscrit dans l’économie de marché), il est vital qu’elle perdure pour le maintien des fonctions non productives de l’agriculture (paysages, lutte anti-érosion, culture et identité).

 

 

Source des informations et citations : J'ai repris bon nombre de titres et d'informations provenant de cet ouvrage très intéressant (quand je cite intégralement, le texte est entre guillemets) : « Création du Parc National de la Réunion, Dossier d’enquête publique, Cahier 5 : Etat des lieux et du patrimoine ; Ministère de l’Ecologie et du Développement Durable, Juillet 2006 »

J'ai "flashé" sur cette pancarte !

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Tag(s) : #En voilier dans l'Océan Indien
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